Le Carmel, un espace contemplatif en vue de l'intériorité

L'intériorité, cela passa déjà par une présence et un lieu. Plutôt que de parler de "clôture", nous préférons parler aujourd’hui d’espace contemplatif. Il n’en reste pas moins que cet espace est délimité par une clôture. Tout se vit à l’intérieur. Pour vivre l’intériorité dans ce lieu, cela demande que l’on s’investisse vraiment dans la prière, dans les relations fraternelles, dans le travail, dans le don de soi à Dieu et aux autres...

 

La clôture a été souvent comparée au désert où on cherche Dieu et où on le trouve. Le désert c’est aussi le lieu où on ne peut pas échapper au regard d’autrui, parce qu’il n’y a pas grand-chose pour se cacher...On y découvre sa fragilité et sa faiblesse.

 

Cela aide à devenir vrai, à être seulement ce qu’on est. C’est aussi le lieu où l’on s’entraide, chacun étant à tour de rôle en situation de faiblesse. Le lieu où l’on dure, où l’on apprend à aimer, à pardonner, à recommencer chaque matin.

 

L’intériorité c’est le centre de l’âme, le lieu du cœur.

 

Là où Dieu habite. Là où il se donne et où nous nous donnons à lui en engageant tout notre poids d’amour et de liberté. C’est le lieu de la Rencontre où personne d’autre n’a accès. La grande certitude de foi dont vit le Carmel, c’est que nous sommes habités : "Demeurez en moi comme moi en vous". Thérèse d’Avila compare l’âme à un château fait d’un diamant très pur, transparent comme du cristal. Ce château contient beaucoup de demeures et Dieu habite au centre. Nous, nous vivons souvent à la surface, dans les demeures ouvertes à tout vent, et nous avons à faire tout un chemin pour vivre au centre où Dieu habite. Le chemin de l’intériorité est celui de la contemplation du Christ, lui qui est le chemin, qui est dans le Père, et le Père en lui "je ne vous demande qu’une chose, dit Thérèse, c’est de Le regarder". Jean de la Croix lui fait écho : "regarde-le seulement, tu y trouveras tout ". Le Carmel n’a pas, à proprement parler, de "méthode" d’oraison. C’est Jésus le Maître d’oraison. Et quand Thérèse, à la demande de ses sœurs, écrit sur l’oraison, elle commente la prière de Jésus : le Notre Père.

 

L’intériorité, c’est voir plus profond que les apparences...

 

Traverser les apparences pour atteindre la réalité de ce qu’on ne voit pas... Pour Jean de la Croix le chemin d’intériorité est un chemin théologal, où l’âme avance revêtue de foi, d’espérance et de charité, jusqu’à l’union à Dieu et la transformation d’amour. Il déploie le thème nuptial du Cantique des cantiques, en nous parlant du Bien-Aimé et de la Bien-Aimée. Le chemin conduit à l’union transformante qui sera totale dans l’autre vie. Cela se fait progressivement, au pas de l’âme, c’est le déploiement et l’accomplissement de la réalité qui nous est fondamentalement donnée au baptême.  Dieu habite en nous et il cherche l’âme plus que l’âme ne le cherche.  Tous les baptisés sont appelés à la vie mystique, au sens propre du terme. C’est très fort !

 

L’intériorité se vit au niveau théologal, le Carmel y insiste.

 

Dieu on ne le voit pas. Par contre on voit sa sœur et encore ! … On n’en voit que la surface. On ne sait pas ce qu’elle peut vivre tout au fond, qui est caché même à ses yeux et que Dieu seul voit. Les promesses qui nous ont mis en branle, on n’en tient pas la réalisation. Aimer : on ne sait pas bien : « même les païens et les publicains en font autant ! ». Dans un monde où tout s’affiche, se mesure, se calcule, se touche, se vérifie, s’achète et se vend, il nous est demandé de vivre avec toute l’Église au niveau de ce qui ne se touche pas, ne se sent pas, ne se voit pas, mais est seulement garanti par la Parole de Dieu. L’amour vrai le veut ainsi. Je suis persuadée que beaucoup de personnes autour de nous vivent une authentique  expérience de Dieu, sans savoir la nommer. Qu’on peut vivre une prière authentiquement contemplative rien qu’en disant le Notre Père. Thérèse d’Avila l’affirme. Je pense qu’on peut en dire autant de la prière du chapelet. Beaucoup de personnes vivent des épreuves immenses, sans savoir le sens qu’elles ont. Jean de la Croix leur dirait que ce sont des nuits à traverser, en leur parlant avec une étonnante vérité de ce qu’elles vivent sans pouvoir l’exprimer.

 

Par définition l’intériorité ne se voit pas.

 

Elle est cachée aux autres et à nous-mêmes. C’est le secret de Dieu. Nous pouvons seulement pressentir la Présence de Dieu, comme on perçoit une présence dans l’obscurité. Et on peut la sentir sous un mode d’absence. Nous ne la découvrirons vraiment qu’au ciel et nous nous découvrirons en elle.    Sr M-J.